Desiderum (Libre)

Luna ne voulait plus. Elle n'avait plus envie d'aller en cours, elle ne trouvait plus le plaisir de supporter ces longues heures enfermée dans une salle de classe à prétendre "faire ça pour son avenir". Elle savait très bien que là où elle irait, elle n'aurait jamais besoin de savoir comment calculer une représentation paramétrique, ou de savoir que le nombre i, mis au carré, donnait -1. Là où elle allait, personne n'allait lui demander le mode d'action des cellules immunitaires, ni leurs noms, ni à quoi servaient les anticorps. Elle n'aurait pas l'utilité des tableaux d'avancement et autres calculs de pH, tout comme il lui serait bien futile de savoir que l'énergie potentielle de pesanteur se déduisait grâce à la formule Epp=mgz, où m représentait la masse de l'objet, g la valeur de l'attraction terrestre en un point donné et z son altitude par rapport au sol.

Où elle allait, d'ailleurs ?

Luna voulait faire de l'art. Luna voulait dessiner, de tout son coeur, et voilà qu'elle était coincée ici, dans sa filière scientifique plus qu'inutile, dans sa situation de pseudo-surdouée qui ne voulait pas l'être. A part faire des arts appliqués, franchement, rien ne l'intéressait. C'était pour cette raison qu'elle séchait aujourd'hui (et pour une fois dans sa vie) les cours, alors qu'elle était en train de faire un mental breakdown total, pour se rendre sur la passerelle au dessus de la grande route principale, le seul endroit un tant soit peu surélevé qui pouvait la calmer quand elle avait du stress par-dessus la tête.

Accrochée sur la barrière, écouteurs dans les oreilles et musique celtique relaxante et inspirante dans son portable, elle contemplait la ville, qui semblait si vide en plein milieu de la journée, lorsque tout le monde était soit à l'école, soit en train de travailler. Luna était seule, du moins pour l'instant, et elle laissait son esprit s'évader complètement. Il n'y avait personne sur la route, pas une voiture, pas un chat. Elle avait envie de faire un peu n'importe quoi qui la défoulerait, danser, crier, se jeter de partout. Alors elle le faisait, mais dans sa tête.

Au bout d'un moment, elle se surprit à chantonner un peu l'air de la chanson.

Aznarepse marchait en flânant dans la rue, les yeux tournés vers le ciel qui, une fois n'est pas coutume, était d'un bleu limpide aujourd'hui. Suite à un rendez-vous chez le dentiste en début d'après-midi, sa mère n'avait pas jugé utile de la renvoyer en classe pour le peu d'heures de cours restantes. Elle avait donc largement le temps de se rendre dans un endroit tranquille pour lire ses livres loués à la bibliothèque plus tôt ou même pour gribouiller quelques dessins dans son carnet à croquis. C'est pourquoi, les bras chargés et le nez en l'air, elle ne se rendit pas compte que le vent s'étant levé, plusieurs feuilles s'étaient échappées de son carnet.

C'est seulement quand l'une d'entre elles passa au-dessus de sa tête qu'Aznarepse comprit qu'elle risquait de toutes les perdre si elle ne se dépêchait pas de les rattraper. Calant ses livres sous un bras, tentant de capturer les pages volantes de sa main libre, elle finit par arriver, essoufflée, sur la passerelle surplombant la rue principale. La dernière feuille récalcitrante se tenait là, à quelques mètres d'elle, aux pieds d'une jeune fille qui semblait perdue dans ses pensées, des écouteurs calés dans les oreilles. Cependant, le vent semblait ne pas vouloir se calmer et, alors qu'elle voyait la page sur le point de s'envoler à nouveau, elle interpella l'inconnue.

- Vite! Rattrape-la pour moi! cria-t-elle en espérant se faire entendre.

Le vent se levait, et d'une façon plutôt inhabituelle par rapport à ce qu'il avait pu souffler durant le restant de la journée, faisant virevolter les cheveux de Luna jusque devant ses yeux, chose qui par ailleurs était assez frustrante de part le fait que ça la rendait par moments aveugle ou presque, alors qu'elle essayait de se concentrer sur le paysage. Elle ne pouvait pas balancer tous ses cheveux derrière son dos comme elle pouvait nonchalamment le faire par moments, vu qu'elle avait ses oreillettes pour écouter de la musique, et que leurs fils étaient confondus avec sa tignasse brune, ce qui rendait impossible de les retirer de sa vue sans subir la désagréable surprise des écouteurs qui s'arrachent des oreilles involontairement.

Non seulement le vent faisait voler ses cheveux, mais il avait apparemment fait partir une feuille de papier dans les airs. Luna entendit vaguement quelqu'un lui crier quelque chose, mais c'était assez indistinct à cause de ce qu'elle écoutait, dans tous les cas, elle se dit que si cette personne s'agitait vers elle de cette façon, c'était qu'il y avait une raison valable. La feuille qu'elle avait aperçue auparavant semblait être cette raison, d'ailleurs, alors elle s'empressa de la rattraper avant qu'elle ne parte trop haut pour elle. Heureusement, le vent se calmait un petit peu, ce qui lui simplifiait la tâche.

Une fois le butin récolté, et après s'être assurée qu'il ne manquait rien (ou du moins pas grand chose), Luna enleva un des écouteurs de ses oreilles (histoire d'entendre un minimum ce qui se disait si conversation il y avait) et partit vers la jeune fille. L'envie fut grande de jeter un coup d'oeil au contenu de ce papier, mais bon, elle n'avait pas envie de s'incruster dans la vie des gens, peut-être que c'était quelque chose de secret, ou de gênant, ou de confidentiel, bref elle n'en savait rien.

Constatant que la jeune fille avait compris ce qu'elle lui voulait, étant donné qu'elle avait rattrapé la feuille, Aznarepse poussa un soupir de soulagement. L'inconnue s'approchait en lui tendant le papier, sans même y jeter un coup d'oeil. Aznarepse en était reconnaissante et en même temps étonnée, elle-même n'aurait jamais pu résister à la tentation d'y poser le regard si elle avait été à la place de la jeune fille. Arborant son plus beau sourire, surtout après avoir constaté que c'était l'un de ses rares dessins réussis, elle offrit sa main en signe d'amitié après avoir récupéré sa page.

- Merci, tu me sauves la vie! Enfin... Pas tout à fait mais tu m'as rendu un grand service. Je m'appelle Azna. Se présenta-t-elle.

Alors qu'elle détaillait sa sauveuse, elle avait la vague impression de l'avoir déjà vue. Mais où?

Invité

C'était bien, de finir plus tôt. Vraiment, bien. Surtout si c'est grâce à une grosse prof de math absente. Profitant de cette chance, Natika avait décidé de sortir en ville. Seule ? Oui, seule. Les projets de ses camarades ne la tentaient pas. Aller au cinéma ? Pour quoi faire ? A quoi ça sert, de s'enfermer dans une salle et de rester silencieux à regarder un film ennuyeux ? La blondinette préfère bouger, rire, parler.

Donc. En ville, sur l'avenue principale. Le vent faisait légèrement voler la jupe de Natika. Peut-être n'aurait-elle pas dû en mettre, tout compte fait. Les jeans, c'est bien aussi. Mais il est un peu tard pour regretter, non ? Et puis, regardons le bon coté des choses. La jeune fille dégustait avec plaisir sa gaufre. Cannelle. Sa saveur préférée. Impossible de ne pas aimer.

Elle rêvassait de ce qu'elle allait faire. Elle pourrait peut-être acheter une nouvelle veste ? Non, elle en avait assez. Quoique. On n'a jamais assez de vestes. Pourquoi n'irait-elle pas ennuyer son frère ? Il habite dans les parages. Elle l'aimait bien. Mais elle aimait encore plus l'embêter ! Non, non. Il est sans doute en train de travailler, à l'heure qu'il est. Malchance, malchance. Natika fit la moue, toute seule. Déçue. Qu'allait-elle faire ? Et de plus, elle finissait dangereusement son déjeuner. Malchance, malchance.

Soudain, elle eut une idée. Deux filles, dans son champ de vision. La première, habillée bizarrement. Les goûts et les couleurs, hein. Assez imposante. Hautaine. Des écouteurs aux oreilles. Hmm... Peut-être Natika se trompait-elle. Ou peut-être pas. En tout cas, la jeune fille l'impressionnait. La deuxième demoiselle était tout aussi étrange. Des vêtements voyants, des cheveux bruns. Elle semblait plus gentille que l'autre !

"Bonjour ! Ca va ? Vous faites quoi ?"

C'était sorti tout seul. Et puis tant pis. Les adolescentes intriguaient la blonde, qui venait de finir sa gaufre. Elle essuya sa bouche, chassant quelques miettes. Faire bonne impression, et ne pas ressembler à une goinfre ! Règle primordiale pour ne pas avoir l'air idiote. Elle souriait aux deux filles, contente de s'être fait deux nouvelles amies. Amies ? Oh, oui. Tout le monde était ses amis, alors pourquoi pas elles ?

Spoiler:

La jeune fille avait l'air reconnaissante, très reconnaissante, voire un tout petit peu trop reconnaissante aux yeux de Luna, vu son gigantesque sourire étiré jusqu'à ses oreilles et son air totalement ravi. Bon, d'un côté, ça voulait dire que Luna n'avait pas compris ce qu'elle voulait de travers, et qu'elle lui avait réellement rendu service, et que tout allait bien dans le meilleur des mondes, finalement, et qu'elle n'allait pas partir dans une dispute mémorable au sujet de "mais pourquoi t'as pas rattrapé mon chien quand il se carapatait devant toi, je t'ai pas demandé un bout de papier". Bon, évidemment, le chien était un simple exemple, peut-être qu'en fait elle faisait coucou à sa meilleure amie qui se situait plus loin, mais alors c'aurait été un "coucou" vraiment très étrange, enfin dans tous les cas là n'était pas la question.

Donc, elle s'appelait Azna. C'était un joli prénom, peu courant, mais joli. Luna prit sa main et lui serra, en arborant également un fier (mais peut-être pas aussi fier qu'elle) sourire.

"Enchantée. Luna. Et puis de rien, le vent c'est bien chiant. "

Puis une autre voix apparut de nulle part, enfin pas spécialement de nulle part quand on y repensait, vu qu'elle venait forcément de quelqu'un (bravo, superbe déduction). Luna tourna la tête, et remarqua une jolie blonde, qui s'essuyait la bouche, d'ailleurs, peut-être qu'elle venait de manger on ne sait trop quoi, enfin c'était à supposer. Elle était plutôt mignonne d'ailleurs, et puis elle avait l'air amicale aussi, un peu comme si elles se connaissaient depuis des années et qu'elles venaient de se recroiser parce que ça faisait une heure qu'elles ne s'étaient pas vues. Enfin... C'était l'effet que ça faisait.

"Yo. Ben à vrai dire... Pas grand chose. " Grand sourire, histoire de ne pas passer pour une viking de mauvaise humeur.

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